Nicole Barrière - Poésie albanaise, Critique évaluative

Nicole Barrière - Poésie albanaise, Critique évaluative
PREFACE
 
Si on devait traduire le mot Poésie de l’albanais vers le français, le mot adéquat serait Liberté !
Écrire et publier sont les maîtres mots de la galaxie poétique des pays de langue albanaise car il y a un enthousiasme réel et une luxuriance dans la création. Cette floraison abondante se traduit également dans la diffusion grâce aux traductions, aux prix, dans les rencontres, festivals et sites poétiques.
Si on devait élaborer une cartographie de l’espace poétique albanais, on verrait apparaître différentes régions avec la poésie des Albanais d’Albanie, du Kosovo, de Macédoine du Nord, du Monténégro et dans les diasporas sur différents continents et pays du monde.
Même si les 75 auteurs viennent de pays différents, que chacun a grandi et été éduqué avec les cultures des États où ils vivent, il n’y a pas une grande différence d’esprit dans les poèmes qui semblent être écrits dans un même espace et un seul État. Le foisonnement des styles et genres poétiques ont pour socle commun la langue albanaise qui traduit aussi bien l’oppression et la censure, la résistance et l’exil, que l’amour et l’expression de la vie sociale, spirituelle et philosophique.
Les poètes de l’ancienne génération ont créé au temps de la dictature et se sont distingués par leur courage en écrivant contre le système oppresseur et pour cela, ils ont été arrêtés et incarcérés, pendant des années de prison ferme. La nouvelle génération (que l’on surnomme les poètes de la démocratie) adopte d’autres styles et sujets d’inspiration. Chez les poètes de la première génération on trouve au premier plan de l’écriture du combat, de la résistance pour la libération, tandis que dans la nouvelle génération, on remarque l’amour mais aussi l’admiration et la fierté envers les anciennes générations, pour leur lutte grâce à laquelle aujourd’hui existent la liberté et l’espoir en l’avenir.  
Dans la plupart des poésies, se cache le message du passé terrible du peuple albanais à travers l’histoire, mais les poètes l’enveloppent d’espoir en un avenir prometteur comme on peut lire dans ces vers :
« Dans le bateau de la mémoire,
Flotte au loin,
Le désir endormi dans le berceau,
Sur la flamme de la bougie,
Vers le temps… »  (page 9)
En réunissant 75 poètes de langue albanaise, l’objectif est la transmission de l’histoire et la culture d’un arrière-pays sensible, d’un socle commun peuplé de héros, de combattants, de femmes et d’hommes du peuple, de légendes oubliées, de fragments réunis en une seule voie/voix qui sont autant de mémoires pour les absents et disparus que de promesses d’avenir pour les vivants.
Cette anthologie de la poésie albanaise contemporaine permettra au lecteur de découvrir des poètes émergents et de redécouvrir des poètes majeurs dans la liberté et le renouveau de leur écriture. Elle est aussi un outil dynamique de dialogue pour les poètes entre eux, quels que soient leur nationalité ou leur pays.
 
Reshat Sahitaj et Nicole Barrière
Janvier 2024
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CHOIX DE POEMES
 
Adem Xheladini
Adem Xheladini (Macédoine) a étudié dans la branche Langue et Littérature françaises de la Faculté de Philologie, à l'Université de Prishtina où il a également effectué des études de troisième cycle. Il écrit en prose, poésie, théâtre, critique littéraire et journalisme. Il a également réalisé plusieurs films documentaires.
 
Rien que moi!
 
Dans le bateau de la mémoire,
Flotte au loin,
Le désir endormi dans le berceau,
À la flamme de la bougie,
Dans le temps,
Chevauché par les rêves,
À travers le long chemin,
Là,
Où le tic-tac de la nostalgie,
Compte le moment attendu,
Sur la fenêtre des années,
Couverte de brume,
Ici,
Rien que moi…
Et devant la lueur des bougies,
Enveloppé,
Dans les braises du feu,
Se consument
Les rêves,
Restés,
Dans le tiroir!
 
Alma Zenellari
 
Alma Zenellari est née dans la ville de Kuçova. Lauréate de plusieurs prix littéraires en Albanie et à l'étranger. Elle a reçu le titre d’Ambassadrice de la Paix en 2017. Sa plus haute distinction est le prix VEXHI BUHARAJA, ainsi que le prix Poète de l'année 2022. Elle est diplômée du Département de psychologie du développement et scolaire de Tirana.
 
Je suis une femme d'avril
 
Tu as patienté et tu m’as attendue
Chaque jour
Pendant des mois,
En toute saison.
(Toutes les attentes sont associées
à mon nom.)
Tu chantais la chanson des perce-neige
J’ai interprété cette chanson
Ta prière enflamme les lèvres
Ne pars pas, ne t’échappe pas
Tu m’admirais au-delà des mots
Pourtant, je suis une femme du mois d’avril
Je ne reviens qu’avec les fleurs…
Pourtant, je suis une femme du mois d’avril
Je reviens avec les hirondelles
Avec leur bec, je tisse la mélodie du matin.
J’arrive pour célébrer l’arrivée du printemps…
(Sous la chemise du printemps,
les violettes sortent leur tête.)
Tu m’as aimé au-delà des mots
Tu as patienté une éternité…
Désormais, je sais que dans ton âme.
Il n’y a pas d’autre hirondelle.
 
Azem Zogaj 
 
Azem Zugaj (Kosovo), né à Turjakë en 1951. Il est diplômé de l’Université de Prishtina où il a poursuivi ses études de troisième cycle. Il a travaillé comme journaliste pour la Télévision Nationale.
 
Les rivières de Babylone
 
Même si je ne te revois jamais
le chant des fleuves de Babylone
s’entendra à nouveau
le soldat aura dans le cœur
plus de feu et de flamme
que le feu et la flamme
 
Même si je ne te revois jamais
chacun sera différent
sauf deux yeux
et quelques souvenirs ravivés
chacun sera différent
les rivières de Babylone ne seront jamais
à sec
Et l'espoir ne fanera jamais dans le cœur
du soldat.
 
Begzat Baliu
 
Begzat Baliu (Kosovo) est professeur d'université, albanologue, publiciste, écrivain et éditeur. Il a été chercheur scientifique à l'Institut albanais de Prishtina (1996-2005) puis professeur régulier à la Faculté d'éducation de l'Université de Prishtina. Conférencier lors de plusieurs conférences scientifiques nationales, régionales et internationales. Auteur de nombreux ouvrages académiques dans les domaines de la linguistique, de la littérature, de l'histoire, de la culture et du journalisme. Organisateur et coordinateur de nombreuses conférences internationales dans les institutions universitaires et scientifiques de Prishtina, Prizren, Skopje, Tirana, Korça, Shkodra, Varsovie, il participe à de nombreuses conférences organisées par d'autres centres internationaux. Membre de l'Association Internationale des Écrivains et Critiques
 
Célébration de Noël dans la cathédrale « Mère Teresa » à Prishtina
 
La fête de Noël a atterri à Prishtina
Entre le froid et la brume noire, comme
les contes de fées de nos grands-parents
La cathédrale "Mère Teresa"
est agenouillée, détruite par la culpabilité
La reine Teuta oubliée de l'Europe,
attend dans le premier fauteuil
Elle est silencieuse comme surgie
des peintures naïves d'Amanda Wite.
Des politiciens sans foi en Dieu
sont sur le point d’arriver
Des soldats maudissent Dieu à chaque fois qu'ils donnent des ordres
Des voisins musulmans qui fêtent
Saint-Georges le 6 mai!
Il fait nuit et le brouillard dense de Prishtina recouvre la cathédrale !
Elle se déplace lentement à gauche
et à droite, yeux ouverts vers le Christ
Il fait froid et dans l'obscurité du brouillard
La cathédrale "Mère Teresa" glisse verticalement dans l'obscurité
Une lumière, seulement une lumière apparaît
au début du siècle dernier
Des voix inarticulées viennent de l'extérieur
Des voix entrent par la porte, par la fenêtre,
par le porche du clocher
Ce qui se passe
Reine, femme, reine ou diseuse de bonne aventure
Qui es-tu?
La reine Teuta se fige
comme dans un tableau naïf
et on ne peut pas la déplacer.
Même les cloches, les carillons de la cloche
ne sonnent pas d’en haut, mais montent
des profondeurs de la terre
Les voix s’amplifient mais restent inarticulées
La femme hurle à l’arrière
de la Grande Porte
Les grandes fenêtres de la Cathédrale
sont ouvertes
Il fait encore sombre et brumeux dehors
-noir absolu-
Les voix mixtes sont de plus en plus nombreuses
L'obscurité les rend plus effrayantes
qu'elles ne le sont
La reine Teuta revient du Christ Roi
La foule prie : Allah! Allah! Allah!
Priez, Votre Majesté, priez,
ce sont aussi des croyants en Dieu !
Le Christ-Roi tend les mains très haut
mais sa voix ne s’élève pas
et n'est pas entendue
Des centaines de personnes :
hommes, femmes, enfants, entrent
avec des torches allumées à la main
Ils entrent par les grandes portes,
par les fenêtres, par le porche
Paix ! Paix ! Paix !
Réconciliation ! Réconciliation !
Réconciliation !
Ils s'approchent de la femme brisée,
du Christ-Roi
L'espace d'un instant, le Dôme
de la Cathédrale s'ouvre
simultanément avec le ciel
La cloche ne cesse de sonner
Tout le monde lève la main et voit les âmes
de Skanderbeg et de Mère Teresa s'envoler.
La cloche sonne sans cesse
Les citoyens lèvent les mains
ou font le signe de la croix
Ils tombent à genoux et prient
comme dans une mosquée
La reine Teuta s'adresse au Christ :
que se passe-t-il, Votre Majesté
Au lieu de torches, les citoyens tiennent
des livres de prières
(Elle s'approche de chacun d'eux
et les regarde, surprise)
Christ : ils n'ont pas la Bible, le Coran,
la Torah !
 
Au lieu de cela, ils ont le livre
« Les Serpents de sang » d'Adem Demaçi
et «Le Prophète» de Khalil Gibran.
Grand Christ, où es-tu ?
Mon Dieu, qui es-tu ?
                                                  
Bilall Maliqi
 
Bilall Maliqi (Presheva, Serbie) est né en 1969 dans le village d'Elez Bali, municipalité de Presheva. Il est diplômé de l'École de graphisme et de journalisme. Il écrit de la poésie et de la prose pour enfants et adultes, de la critique littéraire et du journalisme. Il est l'auteur de 40 œuvres littéraires différentes. Il est membre du LSHK, président honoraire de l’Association des écrivains Feniks (Kosovo oriental), président d'Atunis Lugina. Lauréat de nombreux prix littéraires. Il est présenté dans diverses anthologies et revues. Il vit et travaille à Preshevë.
 
Vœu
 
Je veux entrer
Dans les fragments
De ton silence
Je te fais une demeure
Pour quelques temps
Long
Long
jusqu'au
désir flétri
Se mouiller
de ta fluidité
Et le
ressusciter de la mort
ressusciter de la mort
Comme le Phénix de ses cendres.
je veux embrasser
Regarder de plus près
Et de loin
Comme un
corps
un corps
que les vents bercent
pendant les saisons humides
Congelé
 
Laisse-moi entrer
Lentement
Dans ton corps chaud
De nymphe
Te mouiller
Te mouiller
Dans la rivière tranquille
D'amour.
 
Demir Reshiti 
 
Demir Reshiti (Kosovo), né le 24 juin 1963 dans le village de Bresanë, municipalité de Sharri (Dragash, Kosovo). Il écrit de la poésie, de la prose et des articles de journaux. Il a publié 11 livres et participe à de nombreuses manifestations littéraires organisées au Kosovo, en Albanie, en Macédoine.
 
Amour Différent
 
Quand j’aime je deviens fou
Et en moi l’amour devient fou,
Les cris se brisent en éclats cachés
je suis tout, pleurs et rires,
Je vois comment les sentiments s’anéantissent
Devant la loi de la raison
Comment le Soleil me rend
quand la Lune meurt ?
Étourdis l’amour
Moi, je deviens fou
À genoux, j’attends l’arrivée 
des victoires,
Pourquoi êtes-vous surpris ?
L’amour me vient différemment
Je deviens fou quand j’aime
Oui, l’amour me rend fou.
 
Dhimitër Pojanaku
 
Dhimitër Pojanaku (Albanie) est né à Pogradec, en Albanie, le 28 août 1956. Il a publié plusieurs volumes de poésie, La pluie lit ma tristesseDu matin et un peu de nuitLes diables dansent la polkaLes rivières rentrent chez ellesMartha. Il est lauréat du prix La plume d’Argent en Albanie et de nombreux prix et distinctions internationaux. Ses poèmes sont traduits dans plusieurs langues.
 
Martha
 
J'ai vu Martha sept fois aujourd'hui.
Au baptême de Naumildi,
Telle une flamme sortant des icônes,
Elle était parée d'une robe rouge et jaune.
Du jeune Gjokë,
Situé là où se trouvaient les fonds baptismaux,
Quelques larmes
Ont perlé sur sa cape grise et noire,
Même le prêtre s’est tu
À la grille des tombes,
Je l'ai vue.
De ses doigts, elle a enlevé lentement
le lait blanc des joues roses.
Quelques morceaux de terre humide.
J'ai vu sa silhouette à deux reprises
alors qu’elle se promenait dans le bazar.
Une fois, elle regardait de fines porcelaines
chinoises comme des paysages de l'âme.
La fois suivante, elle essayait un sac
de randonnée
Il m’a semblé
Que les sangles bordaient la peau
comme deux bretelles de chemise.
 
Je l'ai vue terminer la journée aussi facilement,
Comme les rideaux d'une fenêtre.
  
La septième fois, je l'ai vue aller
au cocktail,
Perchée sur de hauts talons
dans l'indifférence de l’adolescence.
 
J'ai vu Martha sept fois aujourd'hui,
Marta ne m'a pas vu.
 
Quand ses yeux se sont tournés vers moi,
Des vapeurs de joie recouvraient les miroirs
 
Faruk Tasholli
 
Faruk Tasholli est né en 1958.  Il est diplômé à la Faculté de Philologie, Département de Littérature et de Langue albanaise à Prishtina, où il a également suivi des études de troisième cycle. Parallèlement à ses études, il était journaliste depuis 1980 et, pendant plusieurs années, rédacteur en chef de la rubrique culturelle du journal étudiant Bota e re à Prishtina. À partir de 1988, il a rejoint la rédaction du programme culturel de Radio Prishtina, où il a travaillé jusqu'au 5 juillet 1990, jour où les forces de police serbes ont fermé la radio et la télévision de Prishtina en langue albanaise.  Il vit actuellement à Aix-la-Chapelle, en Allemagne.
 
Hurlement des femmes violées
 
Nous, les violées de la dernière guerre
Ne sommes pas des femmes qui changèrent
de lit,
Pour un morceau de honte gravé
sur le front.
 
La pierre de notre amour pèse si lourd
Tant qu’il ne bouge pas dans le cœur. Oui
Il fut brisé en morceaux quand débarquèrent
les terribles Meurtriers devant nos pieds –Attachées –
 
Quelqu’un fut tué avant la traversée 
de la rivière
Quelqu’un avec un enfant serré
contre sa poitrine
Ressentir parmi les malheurs –
La dernière caresse
 
De nous, ô, nous, ô
Comment la balle ne nous a-t-elle pas touchées ? 
 
Nous nous tuâmes en esprit et là,
Là, nous gardons la mort
la bouche fermée comme une coupe.
 
Nous les femmes violées lors de la dernière guerre
Ne demandons rien de plus que l’amour.
 
Nous seules, savons ce qu’est le malheur
de l’âme plantée de blessures
et maintenant,
elle nous manque.
 
Il suffit de venir dans notre dos
juste un index et un meurtre
comme le chœur triste nous blesse.
 
Si vous voulez apercevoir un instant
la Liberté
En tant qu’édifice,
Venez mettre l’oreille dans ses fondations,
Là, où furent murés nos cris
Comme le corps de Rozafa.
 
Ibrahim Berisha
 
Ibrahim Berisha (Kosovo) a étudié la philosophie et la sociologie à la Faculté de philosophie de Prishtina. Il a complété ses études de maîtrise à la Faculté des sciences politiques de Zagreb et à la Faculté de droit de Prishtina. Docteur en sociologie des communications. De 1978 à 1999, il a travaillé comme journaliste et rédacteur en chef dans les quotidiens Rilindja et Bujku.
Fondateur du Centre d'information du Kosovo (1990) et son dirigeant (1991-1993).
 
Enfer stupide
 
C'est la fin,
nous étions une montagne fragmentée
Sans le vouloir, ma chère
 
Nous étions un secteur à l’écart
Et nous étions des astres séparés
Au travers, ma chérie
 
Nous étions une rivière divisée
Voilà, c'est lamentable
Franchement, à quoi nous ressemblerions.
 
Kalosh Çeliku
 
Kalosh Çeliku (Macédoine), né le 13 février 1951 dans le village de Cërvicë à Kërçovë, Macédoine du Nord. Il a terminé ses études primaires dans sa ville natale. Lycée normal à Shkup. Il a étudié la langue et la littérature albanaises à l'Université de Prishtina (Kosovo).
Çeliku écrit de la poésie et de la prose pour enfants et adultes et a publié plus de cinquante livres. Çeliku est lauréat de plusieurs prix de concours littéraires de poèmes, de contes et de pièces de théâtre. Parallèlement, il reçoit des prix littéraires aux États-Unis, Macédoine du Nord au Kosovo, en Albanie et en Grèce. Sa création littéraire a été traduite en plusieurs langues : macédonien, allemand, turc, bulgare, roumain, grec, etc.
 
Mon seigneur bien-aimé, prends tout
 
Mon cher Seigneur, prends tout :
Les champs. Les prés. Les montagnes
de mon père !
Les livres aussi. Les peintures. Les photos.
Les nuits et jours qui vivent
dans la bibliothèque.
Et Moi comme Poète « ennemi ». Rebelle
Mais pas l’eau-de-vie de raisin. LE VIN
Des femmes fidèles. La Poésie. L’Albanie !
 
La richesse qu’il peut obtenir aujourd’hui
Seulement la rivière de Zajazi. L’Enfance.
Cette fois-là, je dansais dans la cour
Nu. Poète sans culotte, sous les saules :
il nous accompagne jusqu’à la Patrie,
De ses tendres caresses,
 
La raison, est qu’aujourd’hui,
tu n’as pas non plus la foi,
Tant que vous punissez l’Albanie
par l’enfer ?
Et avec le Ciel. Fleurs,
Mariage esclave !
 
Lan Qyqalla
 
Lan Qyqalla (Kosovo), diplômé de la Faculté de philologie, branche de la langue et de la littérature albanaises à Prishtinë. Il a une thèse de doctorat enregistré à QSA à Tirana. Il est membre d’Académie albanaise-américaine des sciences et des arts à New York. Il a publié les livres : Lacrima Cuvantului (Loti i fjalës) poesi,  Bukuresht, 2016, LORA, poesi, 2017 Prishtinë, Pashaportul uburii, poesi, Bukuresht, 2018, Lora, mon amour, A L'ombre des muses, Paris, L’Harmattan 2019.
 
Le musée du poète
 
Le Poète,
Remplit les mots avec des couleurs
qui évoquent la prairie
évoque des souvenirs avec des cartes déchirées
On ne peut pas croire aux merveilles
des Fées de la Montagne…
Offre de l’affection au monde  !
 
Le Poète
cuisine sur la table, la poésie
Les vers se renforcent au château d’Arberie
 
Le Poète,
tempête solaire, apporte en cuisine
chaque vers tamisé avec amour
le feu de la parole brûle le rôti.
L’univers dont tu ignores tout
Est gravé avec précision dans le cristal…
Dans la harpe poétique,
les mots sont tassés
 
Le Poète,
rêve de la Reine, illuminée par la torche.
Dans la caverne, on découvre des diamants gravés.
 
 
Meri Bo
 
Meri Bo (Besa Lami Bofja), née à Laç (Albanie), où elle a grandi et suivi une formation de violoniste et de flûtiste dans l'enseignement général. Elle vit depuis de nombreuses années à Athènes (Grèce). Auteur de deux recueils de poésie : Un des poèmes, Secrets de l’âme.
 
L'alchimie de l'amour !
 
Celui qui voit l’obscurité n’est pas
en quête de lumière
l’amour s’abrite dans la lumière,
et l’amour est le sang de l’éternité.
Au moment où l’âme, tremble dans le noir,
bat des ailes et entame le pèlerinage,
illumine les étoiles dans le ciel nocturne.
Demande-moi si je t’aime vraiment ?
Les étoiles brillantes n’ont pas parlé,
Ni moi, ni les yeux aveugles de la nuit
ne parlaient,
l’amour restait muet.
Une vie heureuse n’est pas celle-là,
qui n’est remplie que de soleil,
le soleil, au-delà de la lumière,
te brûle aussi,
au nom du combat avec la nuit.
L’arbre se distingue par les fruits,
par les feuilles,
non par les racines
Ainsi, les fruits de l’amour ont pris racine
dans mon cœur,
tout comme les étoiles au cœur du ciel.
Il n’y a pas de fin, car tu es le prélude
Passion, enflamme les étoiles
dans mon âme.
Avec ce regard-étoile
Ce jour-là, tu as lié mon cœur,
Par l’alchimie de l’amour  !
 
Nikollë Loka
 
Nikolle Loka (Albanie), né à Sang de Mirdita, le 25 mars 1960, vit et travaille actuellement à Tirana. Invité à des émissions de télévision et de radio consacrées à la littérature, il est éditeur et critique de plusieurs œuvres littéraires, principalement en poésie. Lauréat de plusieurs prix littéraires dans le pays et à l'étranger.
Auteur de neuf volumes poétiques en albanais et de trois volumes poétiques en italien (dont deux avec co-auteurs). Outre l’albanais, ses poèmes ont été publiés en italien, anglais, français, allemand, roumain et suédois.
 
Je t’apportai un arc-en-ciel
 
Je t’enverrai
un arc-en-ciel
et une demi-lune.
J’ai touillé
Les sept couleurs
en sept toiles d’automne,
je peins la pluie en suspension
la pousse vers toi
et la pluie devient brise,
parfum de mon rêve.
Je t’enverrai
un arc-en-ciel
et un demi-soleil.
J’ai mélangé sept couleurs,
en sept toiles d’hiver,
et j’ai suspendu la neige,
pour qu’elle ne tombe pas sur ton front,
en voyant
ton regard
déchu
dans les flaques de pluie.
Je t’envoie
un arc-en-ciel
accompagné de mon autre moitié.
Avec un aimant chaud
je traîne ton ombre.
Tu te perds dans le noir
de cette nuit
où l’espoir tombe
dans un abîme, se brûle.
 
 
Sali Bytyqi
 
Sali Bytyqi (Kosovo), né le 29 mai 1962 dans le village de Dejë à Drini. Il a terminé ses études primaires et secondaires à Ratkoc et Rahovec, tout en étudiant au Département de littérature albanaise de la Faculté de philologie de l'Université de Prishtina. En 2002, il a soutenu son mémoire de maîtrise intitulé "Fonction symbolique de la flore et de la faune dans la poésie albanaise contemporaine (1945-2000)" et en 2009 la thèse de doctorat "L'œuvre littéraire d'Azem Shkreli", à la même université. Il travaille au département de littérature de l'Institut d'albanologie de Prishtina.
Livres publiés :
Requiem pour chênes (poésie), Art Pena, Prishtina, 1994.
Labyrinthes du texte littéraire (critiques et critiques), Square, Prishtina, 2003.
In medias res (critiques), « Era », Prishtina, 2007.
 
Nous reviendrons
(À mes amis de la prison)
 
Les jours passent
Les semaines passent aussi
Les mois
Un an s’est écoulé
 
Un jour nous reviendrons
Sur la terre brûlée du Kosovo
Où tout nous attend
C'est là que se déroulera la grande réception
 
Combien nous ont accompagnés,
mais pas attendus ?
Combien nous ont attendus,
mais que ne nous reverrons jamais ?
 
Nous reviendrons
 
Même si nos maisons ne sont plus
Les chênes prospèrent sur la colline
Même si nos frères ne sont plus
Le vieux Drin nous réconfortera
Même si nos enfants ne sont plus
Le Kosovo couvert de sang se tiendra debout !
 
Shefqet Dibrani
 
Shefqet Dibrani (Kosovo) est né le 3 août 1960 dans le village de Gërdoc à Llapi (à Podujevë, Kosovo). Il a terminé ses études primaires dans sa ville natale, le lycée, cours de chimie-technologie à Kastriot (anciennement Obiliq), tandis que ses études de biologie-chimie ont été complétées au lycée pédagogique Bajram Curri, à Gjakovë. En 1984, il immigre en Suisse. En plus de sa formation professionnelle, il y pratique le journalisme et écrit de nombreux commentaires et traités politiques. Il publie des livres de poésie, de journalisme, de critique et d'études littéraires. Sa poésie a été traduite en plusieurs langues et est publiée dans plusieurs anthologies. Il a publié une quarantaine d'ouvrages de différents genres.
 
Le café du matin
 
Tous les jours à huit heures du matin
Il commandait deux tasses de café
À côté de la tasse, un peu d'amour
Il l'attendait et elle est venue
Elle a baissé lentement les yeux sur la tasse
Son regard a plongé dans ses yeux
tel un baiser
Et son amour désolé brûlait comme un silex
Elle a pris calmement la tasse de café
dans ses mains dorées
Elle l'a porté à ses lèvres rouges
Et sur la tasse de café, le rouge
a peint des lèvres
Son regard brillait
Surtout quand elle a embrassé les lèvres
de la tasse
Pendant un instant, elle a léché les lèvres
au goût de café.
Elle a posé soigneusement la tasse de café
sur la table
Pour adoucir la vie, il a jeté du sucre
Elle a blanchi le café noir de ses larmes
Mais ce moment de silence lui donnait
un nouvel éclat
Il lui a demandé si elle avait bien dormi
la nuit et si elle avait rêvé
 
Elle a pris la cigarette,
Et l'allumette à la main
Il a allumé la fine cigarette
tandis que s'enflammait son amour pour elle
Et les arabesques de fumée faisaient
des volutes de nuages ​
une fois encore ses lèvres ont pigmenté
la cigarette blanche
Qui s’est consumée à côté d'elle
Elle fumait des cigarettes et parlait peu
Mais son regard réprobateur a attisé
ses sentiments
Elle a éteint sa cigarette et en a allumé
une autre
Il a parlé puis a écouté
C'était nouveau. Des personnes passaient.
Elle a ouvert le parapluie sans un mot
Elle l'a embrassé, scellé ses lèvres
de son rouge à lèvres
Du tableau, ses joues ressortaient enflammées
Il était très excité par son baiser,
qui l’a sidéré.
Au bout d'un moment, il a pris le souvenir dans ses mains
Il s’est léché les lèvres, a siroté son café
et lui aussi est parti...
  
Sibel Halimi
 
Sibel Halimi est sociologue et poète. Elle est doctorante au Département de sociologie de l’université de Prishtina.
 
Recoudre le temps
 
Maintenant, que dites-vous ?
Le nouveau-né,
Comment le baptise-t-on?
Comment l’habille-t-on ?
Où trouver les berceuses pour son anniversaire?
De quel pays viennent les sagas?
Dans quelle terre a t-on enterré l’amour ?
 
Maintenant, que dites-vous ?
Que pouvons-nous dire à l’homme?
Quelle est son histoire?
une promenade au bord du vide?
une mouche sur le mur
qui tombe au hasard
 
Maintenant, dites moi
Comment baptiser le nouveau-né ?
Au nom de quelle histoire?
  
Sylë Ahmeti
 
Sylë Ahmeti (Kosovo) est né en 1962 dans le village de Baraina, municipalité de Podujeva. Il a terminé ses études de langue et littérature albanaises à l'École pédagogique supérieure à Prishtina. Il a commencé à écrire dès l'école primaire et secondaire. Fondateur et directeur du Groupe Littéraire du village d'Orllan. Il a publié continuellement dans des journaux et des magazines. Depuis 2000, il s'est engagé comme journaliste dans le journal traditionnel RILINDJA, jusqu'à sa fermeture, puis au quotidien KOSOVA SOT, où il exerce toujours le métier de journaliste.
 
L'histoire
 
L’Histoire
Marche dans toutes les rues
Bouge et observe
Elle suit chacun de nos pas
Elle les cache dans sa poitrine
Sous les haillons du nom
Puis elle déplie les confessions
Dans toutes les langues du monde
Se souvient de toutes les couleurs
Et des visages
Elle a les yeux perçants
Sur ses traces
Parfois elle boite
Et n'oublie jamais
L'accord avec le mot
Mais avec l'événement
Ça avance droit
Quelqu'un semble marcher lentement
Quelqu'un de trop rapide
On peut dire qu'elle boite
On peut dire que ça marche
Mais on peut dire ça...
Peut-être que l'histoire s'envole
Maîtresse de la vie et de la vérité
Le sommeil nocturne ne l'a jamais surprise
On dit qu'on l'a vu ensanglantée
Face à face avec des canons de fusil adjacents
Et au fil des épées émoussées
Elle n’a pas peur
Pas même avant les tempêtes les plus violentes
Pas même face aux blessures
On ne l'a jamais vu s'effondrer
Dans son long voyage
On l'a trouvée avec une tête de chien
Avec des dents d'ours et un corps d'homme
Avec les ailes d'une colombe et les griffes
d'un faucon
Avec une langue aussi longue qu'une épée
Elle continue de suivre et d’accompagner
Les vers des siècles
Quelque part elle guérit les vieilles blessures
Et un nouvel espace s'ouvre
Quelque part, elle éteint les incendies
Et quelque part, ça tue et ça brûle
comme la foudre
Et dans ses mémoires
Qu'elle tient sous le bras
Parfois du baume apaisant
Écrit quelques lignes
À propos des choses réelles
Parfois des mensonges
Nous la trouvons partout où nous la cherchons sur les chemins du monde
Ça glisse et ça passe lentement
Comme un serpent sournois à travers les traces du temps
Par temps ensoleillé et sur les routes verglacées
À travers des mares de sang
De joies et de désirs
Souvent enveloppée en noir
La grande maitresse de notre vie : l'Histoire...